Actualités
Numéro 15
Edito
Réindustrialiser
La revitalisation du tissu industriel français comme réponse à l’urgence écologique et au défi de souveraineté
Après la crise du Covid-19, l’envolée des tarifs du fret aérien et maritime et les engorgements portuaires massifs, un retour à la normale de la chaîne logistique mondiale se faisait espérer. Cet espoir a été rapidement mis à mal par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La chaîne logistique mondiale s’est de nouveau trouvée mise à rude épreuve, dans un contexte de tensions inflationnistes accrues, avec une forte hausse des prix de l’énergie et des pénuries de matières premières.
Couplés à une conscience écologique grandissante, ces évènements font émerger de fortes tendances à la reconstruction du tissu industriel français, à la relocalisation d’une partie de la production et à l’inscription de nos entreprises dans un écosystème régional.
Néanmoins, si le « Made in France » bénéficie d’un rayonnement international, il a un coût, et des moyens financiers et opérationnels doivent être mis en œuvre pour rendre l’industrie française compétitive, en France comme à l’international. Quels sont les principaux défis des prochaines années, que ce soit en termes d’innovation et d’excellence opérationnelle, d’investissement privé ou de dispositifs publics, pour permettre le développement du savoir-faire français ?
Afin de mieux appréhender cette tendance de fond, et les moyens à mettre en place pour l’encourager, nous avons choisi d’associer à cette newsletter trois dirigeants de nos participations dans le cadre d’une interview croisée : Messieurs Fabien Mazarico et Vincent Godet, respectivement Directeur Administratif et Financier et Directeur des Achats et de la Supply Chain du groupe Praticima, et Monsieur Jean-Philippe Molinari, Président Directeur Général du groupe Louis Tellier.
Actualités du portefeuille
Acquisition de Génie Flexion
Sparring Capital a réalisé au cours du premier semestre 2022 une prise de participation majoritaire dans le groupe Génie Flexion, aux côtés de l’équipe de direction et CEIDF CI.
Créé en 2001, Génie Flexion est le deuxième acteur français de la réparation sur site de flexibles hydrauliques, avec une position de leader en Ile de France et dans les Hauts de France ainsi qu’une présence en Normandie. Basé à Villepinte et comptant près de 180 salariés, le groupe a construit son développement autour d’un modèle dual, combinant quatorze comptoirs et une flotte de plus de cent véhicules d’intervention.
Grâce à son ancrage régional fort et à son modèle mixte, le groupe a connu une croissance soutenue ces dernières années, réalisant aujourd’hui un chiffre d’affaires de près de 20 millions d’euros auprès de c. 4 000 clients.
Le partenariat avec ses nouveaux actionnaires devrait permettre à Génie Flexion d’accélérer son rythme de développement, à la fois par ouverture d’agences et par croissance externe, sur un marché encore fragmenté. Cette opération permettra également de renforcer les équipes dirigeantes du groupe.
Acquisition de Praticima
Sparring Capital a réalisé au cours du premier semestre 2022 une prise de participation majoritaire dans Praticima, aux côtés de l’équipe de direction emmenée par Fabrice Léo, nouveau président du groupe.
Né en 2014 du rapprochement entre les sociétés Praticdose, Cima et Adhesia Equipements, Praticima est le leader français du marché des équipements dédiés aux circuits du médicament et à la gestion des flux de soins pour les établissements de santé (hôpitaux, cliniques, EHPAD, etc.) et les distributeurs de matériel médical. Praticima se différencie notamment de ses concurrents par sa capacité unique à répondre, via le caractère innovant de ses solutions, aux préoccupations spécifiques de ses clients, telle que la promotion du bien-être du personnel soignant ou encore la sécurisation de l’administration des médicaments aux patients.
Le groupe emploie près de 100 collaborateurs sur 2 sites de production, situés à Reyrieux (Ain) et Avranches (Manche), et dispose d’une présence commerciale dans 50 pays. En 2022, le groupe prévoit de réaliser un chiffre d’affaires supérieur à 25 millions d’euros.
Avec le soutien de son nouvel actionnaire, Praticima ambitionne d’accélérer grâce à la montée en puissance de ses innovations récentes et ses activités à l’international. La réalisation d’acquisitions complémentaires (métiers, géographies) constitue également un axe stratégique majeur.
Acquisition de Fauché Energie par Novakamp
Sur le premier semestre 2022, le Groupe NovaKamp a procédé à l’acquisition de 𝐅𝐚𝐮𝐜𝐡𝐞́ 𝐄𝐧𝐞𝐫𝐠𝐢𝐞 auprès du groupe Fauché afin de compléter son offre de solutions technologiques projetables.
Spécialisé dans la conception, la fabrication, l’installation et la maintenance de groupes électrogènes Diesel, gaz, biogaz et hybrides solaires, l’acquisition de Fauché Énergie permet au groupe de :
- Renforcer son accompagnement de la dynamique d’écoresponsabilité énergétique des sites industriels dans les zones isolées et à risques,
- Renforcer l’identité du Groupe comme acteur majeur des projets à cahiers des charges spécifiques,
- Renforcer les positions du Groupe chez les acteurs des énergies nouvelles projetables au travers d’un élargissement du portefeuille de produits et de solutions techniques innovantes, notamment dans le domaine du biogaz,
- Constituer un pôle de développement technique capitalisant sur la forte complémentarité entre les savoir-faire de Fauché Energie et les compétences de NovaKamp sur ses marchés de niche.
Cession d’IMX
Sparring Capital a annoncé en juin dernier la cession d’IMX à bpostgroup, premier acteur postal belge.
IMX est un opérateur spécialisé dans la logistique e-commerce cross-border ayant développé une expertise unique dans l’optimisation des envois de courrier et de colis à l’international. La société s’appuie sur des accords noués avec près de 250 opérateurs dans le monde et un réseau de collection national. Avec le soutien de Sparring, la société a notamment accéléré sur son activité de e-commerce transfrontalier de petits colis (< 2 kg) entre 2017 et 2021.
En 2021, le groupe a atteint c.30 millions d’euros de chiffre d’affaires.
L’adossement d’IMX à Landmark Global (département chargé des affaires internationales de bpostgroup), partenaire historique de la société, lui permettra de développer encore plus son offre dédiée au e-commerce et d’étendre les services de livraison transfrontaliers que la société propose à ses clients.
Prise de participation minoritaire dans Ulysse
ReG Fund1 a annoncé en avril dernier avoir réalisé son premier investissement, avec une prise de participation minoritaire au capital du Groupe Ulysse, aux côtés du fondateur, de l’équipe de management et de MACSF.
Créé en 1996 par Franck Vialle, Ulysse est le leader français des réseaux de transport et d’accompagnement de personnes à mobilité réduite (PMR), opérant via un réseau en propre et un réseau d’entrepreneurs indépendants en franchise, modèle unique en France. Le Groupe propose trois solutions : le transport régulier en milieu scolaire ordinaire, le transport régulier en établissements spécialisés et le transport à la demande. Il dispose également d’un parc de véhicules spécialisés disponibles à la location et à la vente et d’une activité de formation du personnel accompagnant. Basé à Nice, Ulysse bénéficie d’un ancrage national fort grâce à son réseau d’une centaine d’agences, en propre et en franchise.
Ulysse entend capitaliser sur son expertise historique et sur sa forte notoriété pour étendre son maillage géographique et doubler la taille de son réseau en apportant toujours plus de services à ses franchisés.
Dans le cadre de l’opération, Franck Vialle conserve ses fonctions de Président tout en transmettant progressivement la direction opérationnelle du Groupe à son fils Tom.
1 ReG Fund est le fonds « Croissance Responsable small cap » géré par Pechel, une société de gestion agréée AMF, détenue par Sparring Capital SAS.
Prise de participation majoritaire au capital de Groupe Louis Tellier
ReG Fund a annoncé en avril dernier avoir pris une participation majoritaire au capital de Groupe Louis Tellier, aux côtés de l’équipe de management et de Bpifrance.
Groupe Louis Tellier est spécialisé dans la fabrication et la commercialisation d’ustensiles de cuisine et de pâtisserie à destination des professionnels et des particuliers. Le groupe détient notamment les marques emblématiques Louis Tellier, créée en 1947 et reconnue pour ses moulins à légumes, mandolines et machines à raclette, et Gobel, créée en 1887 et dédiée à l’univers de la pâtisserie. Groupe Louis Tellier commercialise ses produits en France et à l’international (35% de son chiffre d’affaires), notamment en Amérique du Nord. Le groupe dispose de 2 sites de production français, situés à Joué-lès-Tours et à Argenteuil, tous deux reconnus Entreprise du Patrimoine Vivant, gage du savoir-faire artisanal et industriel du groupe.
Le nouvel actionnaire accompagnera l’équipe de management pour développer le groupe en France et à l’international, en renforçant son leadership sur le segment du B2B et en poursuivant sa croissance sur le B2C. Dans une démarche de performance durable, le groupe travaillera également sur l’optimisation de sa production permettant l’amélioration du bien-être des employés et l’optimisation de la consommation de matières premières.
Actualités de La Fondation
La Fondation Sparring Capital a récemment renforcé son engagement sur les préoccupations climatiques en rejoignant la coalition française des fondations pour le climat, une initiative du centre français des fondations et fonds de dotation, dont le but est de lutter contre le dérèglement climatique.
En parallèle, la Fondation Sparring Capital poursuit également son action en soutenant un nouveau programme sélectionné pour les solutions innovantes qu’il apporte aux enjeux croisés d’inclusion sociale et de préoccupations environnementales : la Ferme de Moyembrie, une ferme dédiée à l’accueil des détenus en fin de peine, 9 mois avant leur libération, afin de faciliter leur réinsertion en leur proposant un hébergement et un travail rémunéré (maraichage biologique, élevage, etc.). Cette ferme a accueilli plus de 500 détenus depuis 2000, 60% des anciens résidents ayant trouvé un emploi ou étant en formation 3 mois après leur sortie.
Actualités de la société de gestion
Sandra Pezet (Associée) : en mars 2022, Sandra a rejoint Pechel Industries Partenaires, filiale de Sparring Capital en charge de la gestion du FPCI ReG Fund, le fonds small cap dédié aux enjeux de transformation des PME françaises vers un modèle plus responsable.
Diplômée de l’Essec, Sandra a débuté sa carrière en Transaction Service chez Ernst & Young, avant deux expériences en investissement chez Natixis Private Equity (chargée d’affaires) et au sein du bureau français de GIMV (directrice de participations). Elle a ensuite travaillé pendant 6 ans au sein de la direction transformation du groupe Elsan. Sa double expertise opérationnelle/investissement constitue un apport précieux au dispositif d’investissement et d’accompagnement du FPCI ReG Fund.
Romane Parent (Analyste) : Romane a rejoint Sparring Capital en février 2022, après des expériences en investissement au sein de Sparring Capital et Apax Partners (équipe Développement). Romane est diplômée de l’EM Lyon.
Interview
Fabien Mazarico
Directeur Administratif
et Financier, Praticima
Vincent Godet
Directeur des Achats et
de la Supply Chain, Praticima
Jean-Philippe Molinari
Président Directeur Général,
Louis Tellier
1. Comment votre organisation industrielle et logistique a-t-elle été impactée par la crise du Covid-19 et les ruptures de la chaine logistique mondiale ?
Fabien Mazarico et Vincent Godet
Du fait de notre stratégie de sourcing local, nous avons évité en grande partie les problématiques logistiques liées à la crise du Covid-19. Nous avons en effet beaucoup de fournisseurs locaux, quelques fournisseurs européens, et une part marginale de fournisseurs asiatiques.
Cette stratégie d’approvisionnement nous a tout d’abord permis d’éviter les surcoûts et la hausse très importante des délais de livraison, puis d’avoir de vrais contacts au quotidien avec certains de nos fournisseurs, avec qui nous avons développé de vraies relations de partenariat depuis de nombreuses années. A titre d’exemple, durant la crise de 2020 et les différents confinements, nous avons pu avoir de franches discussions avec certains de nos fournisseurs qui voulaient fermer leurs usines, où nous leur avons alors souligné l’importance de les avoir à nos côtés afin de répondre aux besoins critiques des soignants dans leurs tâches quotidiennes.
Par ailleurs, cette proximité géographique avec nos fournisseurs nous a également permis de pallier certaines problématiques : en effet, quand vos fournisseurs sont à 20km de chez vous, vous pouvez aller chercher vous-même vos produits chez eux, avec vos propres camions. Cette régionalisation nous a ainsi permis d’adresser et de livrer de nouveaux clients, que la concurrence ne savait pas servir du fait d’une stratégie différente.
La crise du Covid-19 a montré la vraie force de notre modèle de sourcing.
Jean-Philippe Molinari
Pendant la crise du Covid-19, nous avons été complètement à l’arrêt. L’intégralité du personnel était en chômage partiel, à l’exception du département logistique pour gérer les commandes qui subsistaient, notamment sur la partie e-commerce. Sur 100 personnes, 95 étaient en chômage partiel. En revanche, la reprise d’activité a été très forte de juin à décembre, ce qui nous a permis de faire une année 2020 correcte malgré tout. Tous nos sous-traitants ont subi le même problème, car toute la chaîne logistique s’est arrêtée.
Fin 2020, puis en 2021, nous avons enregistré une très forte hausse du prix des containers, avec des prix multipliés par 10. Couplé au taux de change et à la parité euro dollar actuelle, cela nous a amené à certaines réflexions. Le sujet container va être pérenne, on ne reviendra pas aux niveaux de prix que l’on connaissait il y a 3 ans. Le sujet de la taxe carbone commence à émerger également. Cela nous encourage à réinternaliser une fraction de la production. On étudie aussi la relocalisation d’une partie de nos approvisionnements au Maroc ou en Pologne. Une part de notre sous-traitance va également être rapprochée de la France, ce qui va nous permettre de gagner quelques semaines de transport et d’en réduire le coût.
L’approvisionnement en matière première a été très long suite à la crise du Covid-19, et reste compliqué aujourd’hui, l’aluminium et l’inox ayant flambé en termes de prix, ce qui a de réels impacts sur nos prix de revient. Cependant, nous ne menons pas de réflexion sur le changement matière car il y a d’autres considérations que le prix. Le fer blanc est plus écologique et bien plus pérenne que le plastique par exemple.
2. Pensez-vous que l’on assiste à une revalorisation à long-terme du tissu industriel français et / ou au développement d’un sourcing régional ?
Fabien Mazarico et Vincent Godet
En ce qui nous concerne, comme nous le disions, nous avons depuis longtemps une stratégie de sourcing régionale, nos produits et notre volumétrie le permettant. En termes de coût global nous ne sommes pas perdants, d’autant plus que nous n’avons pas des volumétries suffisamment importantes pour nous permettre d’obtenir des tarifs très avantageux en Asie. De plus, le fait de travailler avec des PME nous permet d’avoir une marge de discussion. Nous économisons également sur le coût de livraison, ce qui est particulièrement intéressant du fait de la hausse récente du prix des containers. Enfin, notre stratégie commerciale est en partie axée sur notre réactivité et notre capacité à livrer rapidement nos clients, ce qui serait impossible avec un sourcing en Asie compte tenu des délais de livraison.
Plus généralement, il y a de plus en plus d’industries françaises qui ont automatisé leurs process, pour travailler les coûts, abaisser le besoin en main d’œuvre et ainsi devenir compétitives par rapport à la production en Asie. Cette logique d’excellence opérationnelle étant couplée à une logique de baisse de la consommation énergétique depuis quelques années. On est d’ailleurs déjà très compétitifs par rapport à toute l’Europe de l’Ouest et du Sud.
Les entreprises se rendent compte que le coût pièce est certes plus élevé avec un sourcing local, mais qu’elles peuvent se rattraper sur le coût de transport et sur le coût des immobilisations financières en lien avec les délais de livraison. Nous pouvons ajouter à cela les problématiques liées au taux de change, totalement d’actualité. De par ces surcoûts, l’Asie est de moins en moins compétitive.
On accepte de perdre un peu en marge brute. Mais je pense qu’on y gagne en marge opérationnelle et en image. Et nos clients sont contents et prêts à payer un peu plus cher car ils sont livrés dans des délais très courts, et ce grâce à la proximité géographique de nos fournisseurs.
Par ailleurs, ce qui n’a pas été considéré sur la période 1980-2000 et qu’on considère de plus en plus est la gestion des risques. Le risque géopolitique est désormais très fort. Et ce facteur-là va nous obliger à être de plus en plus indépendants à mon sens. La mainmise que l’on avait sur l’Asie du Sud-Est, reliquat du passé colonial, n’existe plus. Idem pour l’Afrique. On n’a pas d’autre choix que de se réindustrialiser, relocaliser la production pour être indépendants. Le retour de certaines productions qui avaient été délocalisées, par exemple dans les cartes électroniques, l’énergie ou encore l’automobile, est quelque chose que l’on observe à l’heure actuelle.
Deux autres points vont renforcer le sourcing local ou européen. Il y a 15 ans, on délocalisait dans des Low Cost Countries pour servir le marché national. Désormais ces usines en LCC servent les marchés locaux. On cherche donc à présent de la capacité en Europe pour servir l’Europe. D’autre part, je crois fortement en la lame de fond au niveau générationnel sur la base d’une logique environnementale et sociétale. La nouvelle génération veut un projet de société pas uniquement basé sur la finance mais prenant fortement en compte les enjeux environnementaux.
Jean-Philippe Molinari
Concernant le « made in France », c’est forcément un élément auquel les consommateurs sont sensibles. Cela étant, ils restent malgré tout très regardants sur le pouvoir d’achat. Bien que sur les petites séries, la production française puisse être économiquement viable, pour la promouvoir significativement, il faudrait des aides massives pour l’industrialisation. Nous ne sommes pas sur de la haute technologie ou sur une forte valeur ajoutée au niveau la transformation produit. Certes la qualité est meilleure, mais le facteur prix reste majeur. On pourrait donc améliorer la compétitivité de l’industrie française en mettant par exemple en place des taxes frontières pour réguler les écarts de main d’œuvre (ou à travers la taxe carbone), ou bien des baisses de charge en France.
Mais même en baissant le coût de la main d’œuvre, il est très compliqué de compenser un coût de main d’œuvre 5 à 10 fois moins cher. C’est pourquoi il y a des enjeux très importants pour nous autour du maintien d’un très haut niveau de qualité mais également de la compétitivité de notre processus de production et de l’excellence opérationnelle.
Au final, en B2C, la tendance en faveur du made in France est toujours à mettre en regard des préoccupations sur le pouvoir d’achat. Le marché professionnel c’est autre chose : on est dans la queue de la comète de la gastronomie française qui a une image de marque très forte de par le monde. Le « Made in France » pour les ustensiles de cuisine est un gage de savoir-faire très fort pour les chefs du monde entier. C’est un vrai atout pour développer les positions à l’export.
3. Quels sont les moyens financiers et opérationnels à mettre en place pour permettre le rayonnement du savoir-faire à la française ?
a. Quels sont les moyens internes à l’entreprise (e.g. excellence opérationnelle, innovation, etc.) ?
b. Quels sont les principaux dispositifs externes d’aides et de financement ?
Fabien Mazarico et Vincent Godet
Une problématique que nous allons avoir dans les années à venir sera liée aux compétences. Il va falloir reformer des gens car le premier moyen de la réindustrialisation, ce sont les hommes. Et aujourd’hui on ne les a pas.
Il y a un vrai sujet de formation. Mais avant de les former, il faut attirer des profils, en redorant l’image des postes concernés. Il faut faire comprendre aux gens le besoin de produire local au travers des enjeux environnementaux et sociétaux. C’est à l’Etat, aux syndicats, à toute la corporation de travailler là-dessus.
Au niveau des collectivités et des régions, il va falloir se poser la question de comment attirer des profils sur des zones d’activité à des dizaines de kilomètres des agglomérations. Et la première réponse à cela, c’est l’implantation de moyens de transports en commun. Autour de nous, il y a des centaines d’emplois à pourvoir, et les entreprises ne parviennent pas à recruter. Il faut instaurer des branches de formation, multiplier les transports en commun, et redorer l’image de ces métiers, afin d’attirer et de réindustrialiser le tissu économique français.
Par ailleurs, pour être compétitif, il faut également limiter l’impact du coût salarial. Les sujets d’organisation de l’usine et des processus opérationnels sont donc primordiaux.
Si on parvient à maitriser ces aspects et à proposer des produits innovants, l’image de marque à la française, notre capacité à gérer le SAV même à l’export, ainsi que la fiabilité de notre production devraient permettre à l’industrie française de rayonner à l’international.
Jean-Philippe Molinari
Il faut créer des produits à plus forte valeur ajoutée. C’est la seule façon de contrer des coûts faibles. Et cela passe par de l’innovation.
Il y a eu pas mal d’aides à l’investissement, avec des crédits différés intéressants par exemple. Les aides régionales commencent à se tarir en revanche. On a beaucoup plus d’aides non pas au niveau de la partie industrielle mais au niveau du savoir-faire, de la formation et de l’accompagnement. On a également des aides pour l’export, pour faire des salons à l’étranger par exemple.
Par ailleurs, la RSE devient un vrai sujet pour les fonds comme ReG ou Bpifrance, du fait de la volonté de leurs clients d’investir dans des entreprises plus durables.
Enfin, il y a le sujet de l’excellence opérationnelle qui est crucial. La haute industrie en France est performante. En revanche, au niveau du tissu des PME et PMI que j’ai découvert il y a 5 ans, il y a d’énormes possibilités de progrès à mettre en œuvre, que ce soit au niveau de l’automatisation, du management, de la RSE, etc. Il y a des usines aujourd’hui en France où on se croirait encore à l’époque de Zola ! Ce sont des entreprises paternalistes, centenaires, familiales, pour lesquelles la notion d’investissement n’a jamais été une priorité. Il y a des pistes d’amélioration très importantes là-dessus. Il faut mettre des indicateurs clés de performance et des processus ciblés en place. C’est ce que je me suis employé à faire chez Louis Tellier en arrivant et c’est ce que nous voulons encore accélérer avec nos nouveaux actionnaires.