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Achats Responsables – Vers un nouvel horizon d’opportunités

Dans un monde où la durabilité est devenue un élément incontournable de la performance, les entreprises de toutes tailles se doivent de réévaluer leurs stratégies d’approvisionnement. L’adoption de pratiques d’achats responsables se présente comme une réponse naturelle, non seulement pour répondre aux exigences environnementales comme la réduction des émissions carbone, notamment celles du scope 3, mais aussi pour saisir de nouvelles opportunités de marché.

L’opinion commune tend à réserver la pratique des achats responsables aux grandes entreprises, perçues comme les seules capables d’engendrer un impact significatif. Cependant, cette perception sous-estime le potentiel des PME dans ce domaine, qui peuvent jouer un rôle actif et significatif dans la promotion de la durabilité, notamment par le biais de l’agilité induite par leur taille. Leur approche, bien que différente, est tout aussi essentielle à la transformation du marché.

Pourtant, adopter des pratiques d’achats responsables confronte les PME à un défi de taille : comment franchir le pas vers des achats plus responsables tout en préservant croissance et compétitivité ? Une stratégie bien pensée et une conviction profonde sont alors indispensables pour surmonter les obstacles et transformer les efforts en avantages compétitifs.

Afin d’apporter des éléments de réponse et de comprendre mieux les enjeux des achats responsables, nous avons choisi d’associer à cette newsletter, dans le cadre d’une interview, Marc Debets, CEO et fondateur du groupe By.O qui accompagne les entreprises dans leur transformation durable et organisationnelle.

Interview

Comprendre les achats responsables

Marc Debets
CEO et fondateur du groupe By.O

1. Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste précisément une pratique d’achats responsables et pourquoi cette approche est devenue un enjeu majeur en matière de RSE pour les entreprises ?

Une pratique d’achats responsables consiste en une approche proactive des entreprises vis-à-vis de leur chaîne d’approvisionnement, mettant l’accent sur la durabilité et la responsabilité sociale de leurs fournisseurs. Cette démarche est devenue un enjeu majeur en matière de RSE en raison de l’impact significatif des fournisseurs sur les performances environnementales et sociales globales des entreprises. Ainsi, dans le but de contribuer à l’atteinte des Objectifs de Développement Durable des Nations Unies, les entreprises se tournent vers la fonction achats pour intégrer des pratiques responsables tout au long de leurs chaînes de production. De plus, pour répondre à leurs objectifs de décarbonation et contribuer à l’atteinte de l’objectif des Accords de Paris, il devient impératif pour les entreprises d’accentuer leurs efforts sur la réduction des émissions de leur scope 3 (émissions indirectes incluant les émissions provenant des fournisseurs, de l’utilisation des produits, du transport, des déchets, etc.), pouvant rapidement représenter 3 à 4 fois les émissions des scopes 1 et 2 1 . Ainsi, engager leurs fournisseurs dans cette démarche devient un impératif. Les pratiques d’achats responsables sont ainsi devenues un levier essentiel pour assurer la conformité aux normes RSE, réduire l’empreinte carbone globale des entreprises et favoriser une production plus durable à tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement.

2. Quels sont les principaux défis auxquels les entreprises sont confrontées lorsqu’elles tentent de mettre en œuvre des pratiques d’achats responsables ? Y a-t-il des obstacles particuliers qui entravent ce changement ?

Les entreprises doivent désormais aller au-delà des simples engagements écrits de leurs fournisseurs. La nécessité de prouver leur conformité aux engagements, notamment sociaux, devient cruciale. Par exemple, le respect du principe de juste rémunération du travail est un défi mondial, notamment en raison de l’absence de référentiels internationaux clairs. Sur le plan environnemental, le défi réside dans les enjeux de mesures de leur impact sur la biodiversité, plus complexe que dans le cadre de leurs émissions de gaz à effet de serre. Cette complexité de mesure représente un obstacle supplémentaire à la mise en place de pratiques environnementales responsables et nécessite une approche réfléchie et globale de la part des entreprises.

1 Source : Etude Réseau Action Climat

3. Les PME rencontrent-elles des défis spécifiques dans l’adoption de pratiques d’achats responsables par rapport aux grandes entreprises ? Si oui, lesquels et comment sont-ils abordés ?

Les sociétés suivent généralement un processus d’adoption des pratiques d’achats responsables qui se décline en trois étapes : mesurer, s’engager puis s’améliorer. Actuellement, de nombreuses PME se situent en début de processus, dans la phase de mesure, ce qui signifie qu’elles évaluent l’impact de leurs pratiques actuelles avant de passer à des engagements concrets. Les défis spécifiques rencontrés par les PME incluent souvent la nécessité de comprendre quelles actions spécifiques auront des résultats probants. Une fois cette compréhension établie, les PME peuvent s’appuyer sur leurs liens directs et opérationnels et leur agilité pour mettre en œuvre ces nouvelles pratiques d’achats.

4. Quels sont les principaux avantages et opportunités offerts aux entreprises lorsqu’elles investissent dans des pratiques d’achats responsables ? Comment peut-on maximiser ces avantages pour une entreprise ?

La mise en place de pratiques d’achats responsables offre aux entreprises une multitude d’avantages stratégiques et opérationnels. En repensant la conception de leurs produits, les entreprises peuvent non seulement réduire leur empreinte environnementale, mais également améliorer leur performance globale. Cette démarche favorise non seulement l’innovation, conduisant à des produits plus durables, économes et efficaces, mais génère également des économies financières substantielles grâce à une utilisation plus efficiente des matériaux et ainsi la réduction des coûts de production. Loin de l’idée reçue selon laquelle des produits responsables sont plus coûteux, cette approche permet d’optimiser les dépenses tout en créant des produits efficients.

L’engagement dans des pratiques d’achats responsables renforce également l’image de marque des entreprises. La sensibilité croissante des consommateurs aux enjeux environnementaux les pousse à privilégier des marques responsables. En adoptant ces pratiques, les entreprises peuvent répondre à cette demande croissante et gagner la confiance des consommateurs et clients.

Afin de maximiser ses avantages, il est important d’intégrer les pratiques responsables dans la stratégie globale de l’entreprise. Travailler en étroite collaboration avec les fournisseurs et assurer une communication transparente renforcent la cohérence des initiatives durables. Former les équipes en interne permet de les sensibiliser aux enjeux responsables, favorisant ainsi une adhésion généralisée.

5. Pourriez-vous détailler les étapes clés d’un projet de transformation, depuis l’identification des enjeux jusqu’au déploiement des actions sur le terrain, en passant par la sensibilisation des équipes ?

La transformation vers des pratiques responsables se déploie à travers des étapes clés. La première phase est celle de l’intention qui émane des directions RSE, parfois précédée par les directions achats. La conviction personnelle des dirigeants peut également jouer un rôle clé dans la démarche, de même que celle des équipes.

Vient alors une phase de mesure et d’évaluation (carbone, biodiversité, populations, etc.) qui fournit une base solide pour identifier les axes de travail. La phase suivante implique le ciblage des actions prioritaires en déterminant les catégories de fournisseurs et les zones géographiques à fort impact. Cette phase peut s’avérer ardue en fonction du périmètre de la mission : notre cabinet l’a éprouvé lors d’une mission pour un grand groupe de distribution et ses 4 000 fournisseurs dans 14 pays, ce qui illustre la nécessité d’une mécanique de mesure sophistiquée.

La multiplication des mesures devient cruciale pour évaluer les progrès dans des environnements diversifiés. Cela implique le développement d’une méthodologie de mesure permettant de constater, de reporter et de valoriser les progrès réalisés. Tout au long de ces étapes, une communication efficace assure la sensibilisation continue des équipes, renforçant ainsi l’adhésion et maximisant l’efficacité des actions déployées. Cette approche méthodique garantit une progression planifiée vers des pratiques responsables, intégrant la mesure, l’action et la sensibilisation continue des équipes.

6. Les PME ont-elles les mêmes leviers (notamment au niveau des fournisseurs) que les grands groupes ?

Les PME et les grands groupes jouissent de leviers distincts dans l’adoption de pratiques responsables, notamment en matière de gestion des fournisseurs. Dans ce contexte, le passage à l’échelle des grands groupes, caractérisé par des projets emblématiques, sert d’exemple en raison de leurs ressources financières conséquentes. Néanmoins, les PME se démarquent par leur agilité opérationnelle, leur permettant d’agir avec rapidité et précision. L’engagement envers la réingénierie des processus et produits est désormais généralisé, reflétant une volonté commune d’aller au-delà des attentes initiales et de concrétiser des actions significatives. Les défis se manifestent dans la détermination des priorités et des coûts. Il est crucial de noter que l’adoption de pratiques vertes n’implique pas nécessairement des coûts supérieurs, mais exige une mobilisation de ressources pour entreprendre la transition vers des pratiques durables. Dans ce contexte, les aides et subventions jouent un rôle essentiel.

7. Pourriez-vous partager des exemples concrets de stratégies que votre cabinet a mises en œuvre avec succès pour accompagner des entreprises de différentes tailles dans leur transition vers des achats plus responsables ?

Au cours des dix dernières années, Danone s’est profondément engagé dans l’agriculture régénérative, une initiative axée sur le respect des sols et des écosystèmes par les agriculteurs. Notre cabinet, By.O, a joué un rôle moteur en tant que catalyseur technique de cette démarche, contribuant à définir des pratiques durables au sein de l’entreprise.

Dans le domaine des bouteilles en verre, où la consommation et la production étaient significatives, notre intervention a été cruciale. By.O a guidé le processus visant à rendre les achats plus performants et durables : une transition vers des fours fonctionnant à l’électricité plutôt qu’au gaz a été mise en œuvre, réduisant ainsi l’empreinte carbone. De plus, l’allégement des bouteilles de verre, passant de 300 g à 250 g, a permis une diminution de la consommation d’énergie tout au long du processus de production et de transport.

Dans le secteur du luxe, By.O a collaboré avec un groupe pour garantir la durabilité des matières premières d’origine animale, intégrant au mieux le bien-être animal dans l’ensemble de la filière de production. Une approche comparative des techniques employées dans différentes filières permet d’optimiser les pratiques et d’assurer une transition responsable.

8. Comment s’assurer que sa chaîne d’approvisionnement respecte les principes de l’OECD (sociale) ?

Cela passe en premier lieu par la formalisation de l’engagement des fournisseurs, notamment via la signature d’accords ou de chartes alignés, par exemple, sur les Principes Directeurs de l’OCDE, les normes de l’OIT ou les Objectifs de Développement Durable de l’ONU (ODD). Ensuite, il est nécessaire d’évaluer la conformité de leurs pratiques, via des enquêtes ou des audits. Certaines sociétés s’appuient sur la technologie, notamment celle de la blockchain, afin d’améliorer la mesure et la traçabilité du parcours des produits dans la chaîne d’approvisionnement, renforçant ainsi la transparence.

La formation et la sensibilisation jouent également un rôle crucial. Sensibiliser les équipes achats leur permet d’intégrer les notions de durabilité au même niveau que les notions de performances économiques : l’objectif n’est plus uniquement de négocier les meilleures conditions économiques pour l’entreprise mais également d’intégrer des objectifs de performance extra-financière dans les processus d’achats. Cela implique une approche qui commence dès l’élaboration du cahier des charges.